Staten Island est citée dans tous les guides. Ceux-ci nous incitent à prendre le ferry qui nous conduira en ses terres. Mais il ne nous est nullement indiqué ce que nous allons y trouver et ce qu'il convient de voir. Aucun plan de Staten Island ne nous est proposé laissant ainsi supposer un espace restreint en plein océan qui ne nous prendra que deux heures de découverte. Que nenni. Staten Island est une ville (habitée celle-là, au contraire de celle de Governors Island) qui nécessite de se munir d'une carte pour déterminer où aller et que visiter.
Si vous voulez vraiment découvrir les lieux, consacrez une journée entière pour vous perdre volontairement dans les méandres de ses rues et découvrir ses musées. Je ne vous parlerai ici que des habits méconnus de Staten Island, de son environnement exceptionnel qui lui donne des airs irlandais et de ses habitants qui ont péri dans le World Trade Center et auxquels un monument d'exception rend hommage. Pour le reste, vous le découvrirez aisément en dépliant une carte dont vous vous munirez préalablement à votre arrivée sur l'île. Comme je l'ai déjà écrit dans le précédent article, New York nous offre la quiétude de ses îles gratuitement. Tout commence donc par un périple en ferry sur les eaux bleues de l'Océan. Pour Staten Island, c'est une immense terminal qui déroule à vous ses tapis roulants et sa vaste salle d'embarquement.
La vue sur la ville à travers les vitres latérales du hall est époustoufflante. La physionomie des lieux est davantage ceux d'un aéroport que d'une antichambre d'embarquement sur un bâteau. D'ailleurs tout est démesuré, du pont à la prou, avec un départ toutes les vingt minutes vers l'au-delà des terres. Il y a des lieux qui laissent aux visiteurs des souvenirs poignants. c'est précisément le sentiment qui nous habite quand, après avoir acosté sur les rives de Staten Island, nous découvrons en bord d'Hudson, le Memorial aux enfants de l'île qui furent engloutis dans la déferlante de gravas et de poussière du 11 Septembre 2001. Nous découvrons ce lieu un peu par hasard, sans comprendre d'emblée de quoi il s'agit. D'ailleurs les guides n'en parlent pas. A croire, d'ailleurs, à l'instar de la Statue de la Liberté, que leurs rédacteurs n'ont jamais accosté en ces rivages. On est d'abord interloqué de se trouver face à ce singulier monument aux allures de deux blanches ailes déployées, logique réminiscence des avions qui ont embrasé les Twin Towers. La signification de ce lieu ne parvient pas à nous immédiatement. Ce n'est que lorsque que l'on se glisse dans l'espace séparant les deux ailes que le sens se fait jour. Nous nous trouvons alors entourés, de part et d'autres, de deux murs constellés de plaques en marbre, chacune représentant le profil humain des citoyens de Staten Island qui, un beau matin de septembre, ont quitté leur île et ne sont jamais revenus. Les Twins Towers, hôtes de leur labeur, furent également leur dernière demeure. On est évidemment saisi par l'émotion à la lecteur de tous ces noms, figures incarnées dans le marbre, vivante présence d'un drame qui a fait vaciller New York et ébranlé le monde. Devant nos yeux défilent les identités, les dates de naissance, dont la notre. Les frissons nous traversent et l'on ne peut s'empêcher de songer que nous aurions pu être un des leurs. Face à nous l'océan nous rassure alors, et nous invite à regarder au loin, là ou se dresse précisément la Freedom Tower, symbole du devenir d'une Cité qui ne sombre jamais dans l'affliction. Une promenade sur les côtes de l'ile vous revigorera après ce trop plein d'émotion. Vous aurez alors l'étrange sensation de vous trouver en Irlande, entre vert pâturages et phare saluant l'étendue bleue qui nous entoure.
Si vous voulez découvrir la ville, sachez que Staten Island est en en réalité un quartier résidentiel mais à l'échelle d'une île. Vous cheminerez au gré de vos envies, au fil du périple que vous vous destinerez après avoir fait un utile inventaire à la lumière d'une carte. Quand vous reprendrez le ferry, soyez attentif au panarama qui s'offrira à vous. Vous découvrirez alors New York dans la lumière d'images inédites.
Cette ville ne cesse de se réinventer devant nos yeux et ce sont ses îles, Governors Island et Staten Island, qui lui confèrent le plus beaux des éclats.
Texte et photos : Brigitte MAROILLAT