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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 14:47

  RELIRE HOPPER COUVERTURE

 

Quand les plus grandes plumes new yorkaises, nous offrent avec talent des nouvelles et essais inspirés de l'oeuvre d'Edward Hopper, force est de constater que la conjonction des génies offrent un hybride artistique sublime. Cette anthologie composée par Alain Cueff, Historien d'Art, pour les Editions des Musées Nationaux à l'occasion de l'exposition du Grand Palais, réunit des textes renvoyant aux clairs-obscurs, à l'atmosphère cinématographique et aux solitudes pensées de l'univers d'Hopper.

 

A la manière de Raymond Chandler, Norman Mailer nous narre une histoire digne des films noirs où un jeune homme à l'âme vagabonde se trouve piégé par un gang d'arnaqueurs des billards. Mailer trempe ici sa plume dans le tableau Nighthawks et tire sa prose des rencontres nocturnes de bars où les solitudes s'allient et les drames se nouent. Grace Paley nous entraîne, quant à elle, dans un imaginaire brodé autour du tableau A New York Room où un couple se cotoie sans se voir, où chacun s'abîme dans le regard du dedans. De cette césure, l'auteure subodore un drame latent, une tragédie qui couve sous les non-dits. la plume de Paley va au delà du prévisible pour nous offrir un final inattendu.

 

Leonard Michaels signe avec Le Rien qui n'est pas là, un essai sur l'oeuvre d'Hopper. Il laisse libre cours à son imagination d'auteur pour esquisser l'histoire des personnages représentés par le peintre et deviner ainsi quelle est l'essence de leurs pensées. Car pour Michaels, les tableaux d'Hopper nous font entrevoir "ce que penser voulait dire". L'artiste est l'explorateur de l'introspection. Ses personnages ont le regard tourné à l'intérieur de soi et rien ne semble les détourner de la profondeur de leurs pensées, pas même la nudité troublante de leur partenaire.

RELIRE HOPPER PENSEES

Paul Auster tisse, quant à lui, ses mots dans l'encre de la solitude mise en lumière par le peintre, notamment dans Sunday, dont nous avons déjà parlé. Il puisse l'essence de sa nouvelle, J'ai créé le néant, dans l'isolement matinal de ce personnage qui semble s'interroger sur le sens de sa vie. L'auteur va faire de celui-ci un naufragé de la vie urbaine qui ne pense trouver son salut qu'en lâchant prise. Le retour à l'état de nature dans Central Park va le rapprocher de lui-même. Il fait de sa désocialisation volontaire une épreuve salvatrice laquelle, en lui faisant toucher le fond du gouffre, va l'aider en même temps à se retrouver et à recomposer sa vie. "Dès lors qu'on a jeté sa vie à tous vents, on découvre des choses qu'on n'avait jamais soupçonnées, des choses qu'on ne peut apprendre en nulles autres circonstances".

 

Ann Beattie, comme James Salter d'ailleurs, s'inspire du Hopper des campagnes, celui qui se retirait à Cape Cod pour observer le monde, et c'est de cet Hopper là, en retrait de la vie urbaine, que l'auteure va faire un des personnages de sa nouvelle. Elle nous narre la fin d'un été à Cape Cod qui coincide avec la fin d'une époque, avant que le monde ne sombre dans le chaos de la guerre. Beattie trouve dans les personnages du tableau Cape Cod Morning le ressort d'une histoire mélant le destin de ces protagonistes à celui du peintre. Dans la toile d'Hopper, un couple et un chien scrutent d'un air préoccupé l'horizon, dans la lumière radieuse d'un matin d'été, du pas de la porte de leur maison. Ils sont observateurs du monde, attentifs à ce qui va arriver, à cette guerre qui paraît inéluctable. Beattie brode, sur ce motif, une variation de son crue qu'elle conclue par ses mots mettant en lumière le caractère visionnaire du travail de l'artiste: "A peine une semaine plus tard, tout le monde entrait en guerre et je m'interroge, étai-il trop tôt, juste trop tôt, pour que Monsieur Hopper devinie ce qu nous attendait"

 RELIRE HOPPER CAPE COD

Dans la nouvelle, L'ombre écarlate, Walter Mosley évoque une image, celle de cette femme noire, portant robe et chapeau rouges et apparaissant comme un rêve dans l'encadrement d'une porte. Cette image hante deux hommes, celui qui fut son compagnon et celui qui l'a toujours aimé dans l'ombre. L'histoire se noue autour des mots, ceux que les deux personnages échangent autour de ce portrait qui trône-là dans la cuisine. De ce dialogue va surgir l'évidence d'un drame, l'aveu d'un meurtre, car celle qui fut si vivante dans ce tableau, drapée dans cette parure rouge, couleur de la passion et de la tragédie, n'est plus.

RELIRE HOPPER FEMME CHAPEAU ROUGE

Force est de constater qu'Hopper narrateur des destins ordinaires, des moments suspendus a offert par nature un terrain propice à l'imagination des femmes et hommes de plume. Par leurs mots, ils ont percé le mystère des pensées perdues des personnages hoppériens, ils ont donné corps à ces évenèments latents que l'on devine dernière le décor, les visages, les postures. Ils ont su relire Hopper, avec talent, dans le commun des non-dits.

HOPPER PORTRAIT

 

 

Brigitte MAROILLAT

 

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